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Il ne suffit pas pour prouver la vitalité d'un laboratoire maritime d'annoncer
urbi et orbi qu'il possède une réduction de la Vénus de Médicis ou de publier tous les trois mois dans les Comptes-rendus de l'Académie qu'il est le seul en France éclairé par la lumière électrique.
Sans doute on ne doit pas demander aux pâles successeurs de Cuvier, organes rudimentaires de la Zoologie moderne, la production d'œuvres ayant une portée générale. Pour qui n'admet pas la théorie transformiste, l'anatomie comparée ne peut guère avoir d'autre signification que la description successive de formes entre lesquelles les rapprochements sont établis le plus souvent d'après des homomorphies ou des ressemblances adaptatives. Mais on aurait pu supposer que, fidèles à la doctrine de celui qui considérait
la connaissance des espèces comme la première base de toutes les recherches d'histoire naturelle (1) [(1) Cuvier, Rech. sur les Oss. fossiles, 2, p. 14.], les derniers représentants de l'École de la fixité continueraient les travaux de zoologie systématique si brillamment inaugurés naguère par H. Milne Edwards, Dujardin, etc. Cependant l'étude taxonomique des animaux marins a été, depuis une trentaine d'années, bien négligée en France, et la faune si riche de notre littoral est loin d'être connue comme il conviendrait. Les efforts que nous avons faits, Marion sur les côtes de la Méditerranée, moi-même sur celles de la Manche, ont eu au moins pour résultat d'entraîner dans cette voie de la zoologie pure, comprise d'une façon large et éclairée par la doctrine de l'évolution, toute une phalange de jeunes naturalistes. C'est un plaisir pour moi de voir mes anciens élèves de la Faculté de Lille, Hallez, Moniez, les cousins Barrois, chacun avec des talents et des succès divers, mais tous avec une ardeur égale, poursuivre l'exploration de ces côtes du Boulonnais où j'ai dirigé leurs premières recherches.
La moisson à recueillir est tellement riche que jamais les travailleurs ne seront assez nombreux, et loin de montrer pour les amateurs le dédain que la science officielle leur a trop souvent témoigné, nous devrions chercher à créer dans notre pays un public de dilettantes scientifiques sérieux, classe intellectuelle intermédiaire qui n'existe pas en France où l'on passe brusquement des savants de profession aux lecteurs de Louis Figuier.